Les clés de la mise en oeuvre de l'intelligence collective
Comment développer l'intelligence collective en mettant en place des groupes de co-développement des pratiques professionnelles ?
Dans notre dernière lettre d'info, nous avions précisé notre conception de l'intelligence collective et les liens que nous pouvions faire entre ce concept et la conduite de groupe de co-développement des pratiques professionnelles. Dans cette deuxième lettre, je souhaiterais expliciter les conditions de mise en place de ces groupes de co-développement dans les institutions que ce soit des structures médico-sociales, des hôpitaux, des collectivités territoriales, des associations mais aussi des entreprises.
Former des animateurs de groupe de co-développement
Le rôle de celui qui conduit ces groupes est fondamental. S'il ne s'agit pas d'analyser les pratiques, l'animateur doit favoriser les échanges entre les membres du groupe et se centrer sur les interactions entre chaque personne. C'est la qualité de ces échanges et de ces interactions qui pourra contribuer à générer des propositions pour avancer sur la situation exposée par un participant du groupe. Rappelons que l'intelligence collective est différente de la somme des intelligences individuelles du groupe. Celui qui conduit le groupe cherchera à faire émerger des compétences spécifiques mais pas à juxtaposer des avis, des critiques, des points de vue aussi pertinents qu'ils soient. Le travail d'associations et de liens entre chaque idée émise est un point clé dans l'élaboration collective. Dans un groupe de co-développement des pratiques comprendre ce que fait son ou ses collègues, comment il le fait, en lui attribuant quel sens et quelles valeurs est bien un enjeu majeur du travail. Je pars du principe que cette tentative d'écoute et de compréhension des mécanismes, des logiques, des questions, des émotions, des ressentis vécus par l'autre va créer de l'intelligence collective. En effet, dans un groupe de co-développement, les participants vont accepter de travailler à partir d'une situation, d'un questionnement d'un des membres du groupe. Celui qui conduit le groupe doit donc laisser de l'espace pour que les interactions puissent s'établir entre chacun et pas seulement et systématiquement d'un membre du groupe vers l'animateur comme c'est souvent le cas dans la plupart des conduites de groupe. La parole d'une personne doit pouvoir résonner sur chacun. Et ainsi chacun peut prendre le risque d'une question, d'une remarque, d'un positionnement, d'une proposition.
Favoriser l'émergence d'une dynamique de groupe
Cette capacité à créer cette dynamique de groupe et à amener les participants à prendre leur place dans le groupe s'acquiert avec de l'expérience mais surtout avec une conscience que le groupe a une identité particulière qui doit se constituer. Cette identité se construira dans la reconnaissance de l'autre différent, dans la confiance, l'émulation, la stimulation, mais aussi dans la confrontation, l'erreur, le doute et l'ambivalence. Oser parler de soi au travail n'est pas toujours facile. Il n'est pas usuel aujourd'hui de s'exposer ainsi mais il est plus facile de faire des discours sur, de mettre en cause les autres et souvent d'ailleurs l'encadrement et/ou l'institution. Celui qui conduit le groupe doit être prêt à soutenir cet effort et ce travail exigeant pour amener chaque participant à être davantage dans l'exploration que dans l'exhortation, dans l'intérêt et le soutien plus que dans la persuasion et l'argumentation. Des temps de régulation en fin de séance de co-développement des pratiques s'avèrent indispensables pour que chacun puisse exprimer son vécu « ici et maintenant » dans le groupe. Comment le groupe a-t'- il fonctionné ? A - t'-il permis d'avancer vers cette intelligence collective ?
Reconnaître l'importance de la coopération et du travail collaboratif au sein de l'institution
Le rôle d'animateur du groupe de co-développement est donc spécifique et requiert quelques compétences que nous venons de décrire. Mais pour que les groupes de co-développement des pratiques puissent être des outils au service de l'intelligence collective, il est important que le travail collaboratif et sa pertinence pour résoudre un problème soient reconnus par l'institution. Or aujourd'hui, la compétence individuelle ou l'expertise d'un professionnel est souvent bien plus valorisée et développée que la compétence collective. Toutefois de plus en plus souvent, la polyvalence dans une équipe est une capacité qui semble recherchée dans le discours managérial. Or cette polyvalence n'est pas souvent mise en évidence dans le travail prescrit. Les cadres, les managers ne savent pas toujours comment la valoriser dans le travail d'équipe.