Conduite de groupe et autorité : réinventer le lien entre les deux ?
L’été et les vacances sont propices à la lecture mais aussi à la réflexion et l’écriture. Avant de partir, je choisis quelques livres, parfois rapidement car je suis encore imprégnée, à cette période, d’une forme d’excitation habituelle et d’une impression de manque de temps. Dans une librairie, sans l’avoir particulièrement cherché, mon regard est tombé sur ce titre : « Réinventer l’autorité - Psychanalyse et sociologie » et j’ai eu envie de m’enrichir de la réflexion de ces deux auteurs Jean Pierre Lebrun et Alain Eraly . Quelle que soit notre conception de la conduite de groupe, il est difficile d’échapper au questionnement autour de l’autorité. Comme il est également difficile de ne pas reconnaitre que ce mot est souvent désormais connoté négativement. Je suis d’accord avec les auteurs pour constater une forme de crise de l’autorité. Différencier autorité, domination et coercition est effectivement un moyen de reconnaitre la nécessité de l’exercice d’un pouvoir au service d’un collectif. Exercer l’autorité ne signifie pas que nous profitons de la dépendance de l’autre pour lui imposer notre volonté parfois même en cherchant à l’humilier, comme cela peut être le cas dans la coercition. Pour Jean Pierre Lebrun, l’autorité fait justement barrage à la domination et à la coercition au nom du collectif. La domination se conçoit comme une asymétrie structurelle dans un réseau d’interdépendances qui permet à certains acteurs ou groupes d’acteurs de peser sur les termes de l’échange, de réduire l’espace de la discussion et de la négociation et finalement de promouvoir leurs intérêts. Contrairement à la domination, l’autorité est d’ordre symbolique car elle s’inscrit dans le langage. L’autorité serait le garant du respect des règles communes, c’est la légitimité qu’une personne tire d’une place d’exception qu’elle occupe pour faire respecter l’intérêt collectif. Par exemple, lorsqu’une personne anime et conduit un groupe, elle doit être légitime pour parler au nom du collectif et ainsi elle a bien une place d’exception. Le collectif est alors est un ensemble d’individus qui tissent entre eux des relations d’affinités et d’échanges mais c’est aussi un ensemble d’individus qui se représentent et se reconnaissent mutuellement comme appartenant à cet ensemble et font de cette appartenance un fondement de leur identité. Ce collectif se construit en partageant des règles, des valeurs, des croyances, une éthique et une histoire. Comment exercer cette autorité ? Cela suppose d’imposer des limites aux autres et de commencer par s’imposer des limites à soi- même et de tenter de ne pas jouir des conséquences de sa place d’exception. L’autorité demande un contrôle réflexif avant d’être action sur les autres, elle suppose également de rendre compte devant le collectif. L’exercice de cette autorité est d’autant plus difficile à exercer si le collectif est naissant ou si le collectif ne soutient pas cette place d’exception. Inventer des formes d’incarnation du collectif, réinventer des formes d’autorité Alain Eraly définit l’institution comme une forme de vie sociale comportant des places, des rôles, des normes, des traditions. Il revient à l’autorité de parler, d’incarner l’institution. Peut-on vivre au sein d’un collectif sans aucune place pour l’exercice de l’autorité ? Le collectif ne peut pas être réduit à des relations interpersonnelles. Renoncer à l’autorité c’est renoncer à la vie collective en tant qu’elle suppose de donner une puissance de parole aux institutions. Réinventer l’autorité cela suppose de renoncer à notre satisfaction pulsionnelle singulière pour pouvoir se mettre au service d’un idéal collectif et de revoir la conception du pouvoir non pas seulement comme libre jouissance mais plutôt comme position, rôle et responsabilité. Dans le cadre de la conduite de groupe, il est intéressant de se questionner sur la façon dont nous, intervenant-.e.s, exerçons l’autorité et comment nous choisissons ou pas de l’incarner vis-à-vis du groupe mais aussi de l’institution pour laquelle nous travaillons. Comment arriver à se positionner en tiers tout en posant des limites et en garantissant les règles communes spécifiques définies par le groupe en lien avec l’institution ? Je propose, dans ce bref article forcément réducteur, une dernière piste de réflexion en lien avec la conduite de groupe. Hannah Arendt précise que l’autorité implique une obéissance dans laquelle les individus gardent leur liberté. Aussi Comment les participants des groupes que nous animons peuvent à la fois se sentir libres et obéir à l’autorité que nous exerçons ?
Christine Olivier, psychosociologue, directrice intervenante d'Expression
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