Le Co développement des pratiques managériales : quand le collectif se met au service du "Je"
Étudiante de Master 2 en Psychologie du Travail et stagiaire au sein d'Expression, Diane de Galembert vous propose de rendre compte de l'expérience de Co développement des pratiques managériales qu'elle a pu vivre au cours d'une formation délivrée aux managers d'une collectivité territoriale. L'objectif était de les former pendant trois jours au Co développement pour qu'ils puissent animer cinq ateliers et ainsi accompagner les autres managers de la collectivité dans une démarche de transformation des pratiques managériales.
Comment profiter de la richesse des pratiques des uns afin de servir celles des autres ?
Comment développer ses compétences à l'aide de celles présentes dans le collectif ?
Comment partir de l'intelligence individuelle pour arriver à une intelligence collective ?
Cette initiative a trouvé un fort écho auprès d'une cinquantaine de managers présents lors de la journée de lancement de ce projet. Seuls 10 managers ont pu bénéficier de cette formation pour conduire les ateliers. Le choix fait par Christine Olivier, directrice d'Expression et responsable de ce dispositif et la Responsable du Pôle Qualité de Vie au Travail, responsable de ce projet au sein de la collectivité s'est donc porté sur l'hétérogénéité des domaines d'activités des managers présents.
Au démarrage de l'intervention, un tour de table est proposé. Je remarque que celui-ci nourri deux objectifs : se connaitre les uns et les autres et mettre en avant les attentes et besoins de chacun concernant cette formation.
Chaque participant se dit heureux d'être là et de bénéficier de cette formation. Tout le monde s'écoute, personne n'ose encore faire émerger sa singularité dans les désaccords, peu à peu les participants découvrent la méthodologie du Co-développement et des apports sur la dynamique de groupe. Ainsi, un exemple est donné, semblable à l'illusion amoureuse des premiers mois, l'illusion groupale peut s'inviter lorsque dans un groupe le sentiment d'appartenance prend un ancrage très fort. Il se traduit par une sorte de mythe égalitaire qui est en fait un déni des différences. .
Puis, sont exposés les ancrages théoriques de cette pratique. Adrien Payette et Claude Champagne créent en 1997 le Co développement en s'appuyant sur le postulat que chacun croit qu'il peut apprendre de l'autre afin d'améliorer sa propre pratique. Ainsi les participants prennent, chacun leur tour le rôle de l'exposant et de ceux qui élaborent autour de la situation. L'un délivrera une question en lien avec une pratique professionnelle quand les autres apporteront des pistes de compréhension et de solutions en lien avec sa propre pratique ou ses ressentis. On pourra parler de confrontation bienveillante des pratiques entre pairs.
Ensuite le groupe s'est donc vu proposer une réelle séance de Co développement. Une personne a exposé une situation et les différentes étapes de la démarche ont été appliquées : le choix d'une situation, sa présentation, sa clarification, l'évocation des pistes de solutions, la ré appropriation et enfin un temps de régulation. Cette première journée s'est terminée par un temps de régulation centré sur le fonctionnement du groupe dans « l'ici et maintenant ». Est alors souligné l'importance pour la personne délivrant la situation de parler en son nom, d'utiliser le « je ». Le Co développement des pratiques n'est pas une étude de cas ; il s'agit là de faire entrer en jeu la spontanéité des participants et amener peu à peu les personnes à apporter du concret.
Deuxième journée : L'apprentissage par la pratique
La deuxième et dernière journée à laquelle j'ai pu assister, a débuté avec un temps d'appropriation concernant la journée précédente. Au-delà de la simple évocation de nos questionnements, ce temps permet à chacun de reprendre sa place au sein du groupe et de recréer une dynamique.
Une nouvelle séance de Co développement est alors proposée mais cette fois animée par une personne du groupe. Exercice difficile mais qui a permis de mettre en situation réelle le rôle d'animateur que les participants devront exercer à la fin de la formation.
Enfin, cette journée s'est terminée par un théâtre forum. Le but étant pour les participants de réfléchir à une situation difficile à laquelle ils pourront être confrontés en tant qu'animateur dans leur futur groupe de Co développement. Celle-ci a donc été jouée tour à tour par des personnes différentes. Cette mise en scène permet une nouvelle fois de passer du vécu du terrain à l'action. Ici, la prise de recul s'effectue instantanément sur ce qui est joué. L'apprentissage qui en est tiré naît à nouveau du collectif ; effectivement lors du débrief chacun émet des pistes d'amélioration sur la façon dont le groupe aurait pu être mené.
Ces deux jours de formations m'ont permis de nourrir ma curiosité et ma soif d'apprentissage quant à cette pratique dont je ne connaissais pas l'existence avant mon arrivée chez Expression. Certains conseils, certaines thématiques me paraissent maintenant importantes pour le fonctionnement et la mise en place d'un groupe de Co développement. J'ai découvert par exemple, la nécessité du cadre, de l'observation de la dynamique de groupe et de la place silence.
L'importance de poser et maintenir le cadre
Dans les groupes de Co développement l'animateur a un rôle central : il est poseur mais surtout détenteur du cadre. C'est à lui de prendre les décisions, et il ne doit pas avoir peur de prendre ce pouvoir. Il est nécessaire d'une part de poser le cadre, de le garantir tout au long de la séance mais également d'être conscient de notre position si l'on est hors cadre.
Voici en exemple : le respect des horaires. Pour affirmer sa posture en tant qu'animateur, il est important de commencer à l'heure et ce, même s'il y a des retardataires : le cadre est ainsi posé. Cela n'empêche pas d'inclure avec bienveillance les retardataires.
Le cadre de l'intervention dépend donc des limites de temps posées et définies au préalable.
L'importance de la dynamique de groupe
Il nous est rappelé ici combien la dynamique de groupe peut être différente d'un groupe à l'autre et même différente d'un moment à l'autre : « le groupe c'est de la vie ». L'inconscient est omniprésent dans un groupe et il ne se maîtrise pas, il faut le laisser vivre et la réalité dans laquelle il évolue peut être différente de nos idées de départ sur le groupe.
Tout l'enjeu de l'animateur est donc de savoir s'adapter. Il pourra ainsi mieux contenir ce qu'il se passe et créer un lien fort avec et entre les participants.
Dans un groupe de Co développement, si l'on s'écoute, si les participants se regardent, chaque personne peut prendre la parole sans couper la parole de l'autre. Naît alors la capacité à gérer sa frustration. L'animateur renforce ainsi le pouvoir d'agir de l'ensemble des participants. S'intéresser aux problèmes de l'autre permet de se décentrer.
L'importance du silence
L'intervenante insiste sur l'importance et les vertus que le silence peut avoir dans un groupe de Co développement.
Chaque professionnel exerce une pratique qu'il est susceptible de pouvoir exposer, donc si personne ne parle, si personne n'ose livrer une situation cela peut signifier la présence de résistances dans la dynamique de groupe. L'animateur peut aller interroger les participants mais c'est également important de laisser l'opportunité aux plus timides de prendre la parole et ainsi de montrer qui ils sont. Pour encourager les interactions, il s'agit parfois de se taire, de laisser le silence s'immiscer dans les interactions du groupe. Pour en être capable il est cependant important de travailler son rapport au silence.
Le co développement : manager autrement
A l'heure où manager une équipe apparait comme étant aussi difficile qu'indispensable, le Co développement des pratiques professionnelles managériales s'inscrit donc dans une volonté de proposer une autre forme d'accompagnement des équipes, mais surtout de repenser le collectif. En effet, j'ai été particulièrement impressionnée par l'intelligence collective mise en œuvre par cette démarche qui s'intéresse aux interactions au sein d'un groupe. Celles-ci produisent un résultat ensemble et impossible sans le « tous ». La démarche de Co développement est donc basée sur la singularité de chacun afin de faire émerger un nous, un collectif, un groupe et une appartenance à ce groupe. L'échange sur ses pratiques peut donc être une réelle source de partage et de solidarité. L'intelligence collective prend alors tout son sens lorsque le Co développement des pratiques intervient dans des organisations où la pluridisciplinarité pourrait être d'avantage présente; comme durant cette expérience que j'ai pu vivre.
Kommentare