Oser dire « non » en gouvernance partagée
La gouvernance partagée nous invite à mettre de la lumière sur les processus de décision, de pouvoir, d’influence, de place dans un groupe et dans une organisation.
Elle part du principe que le chemin, pour parvenir à un objectif, est aussi important que le résultat et nous propose de prendre en compte comment nous avons échangé, décidé et agi ensemble pour réaliser notre tâche commune. Ce travail coopératif est impossible à réaliser si nous sommes dans l’illusion que tout est possible et qu’il suffit juste de s’exprimer, d’imposer, de participer, de se plaindre, d’attendre et d’exécuter, de laisser faire et/ou de ne penser qu’à soi. Comme dans n’importe quelle organisation, Il est nécessaire d’avoir un cadre et des règles du jeu si nous voulons avancer et dépasser le chaos ou la soumission à une personne qui représente le pouvoir et l’autorité. Nous devons faire preuve d’intelligence collective en accordant une attention particulière à la qualité des interactions dans le groupe et dans l’organisation. Personne ne sait tout et tout le monde sait quelque chose. L’enjeu est de comprendre comment mettre en œuvre cette intelligence collective pour agir.
Dans ce cadre, nous sommes amenés à faire des demandes aux autres et différentes réponses sont possibles. Le « non » a toute sa place et rend le « oui » plus authentique. Répondre « oui » systématiquement présente des avantages pour nous : ce sont les autres qui décident, nous pouvons agir sans forcément ni comprendre ni nous interroger sur le sens et le bien-fondé de l’action demandée. Par la suite, si nous avons dit « oui » sans vraiment le penser, nous pouvons montrer notre désaccord sans conséquence puisque ce sont les autres qui prennent les risques et décident, nous pouvons nous plaindre, reporter la responsabilité sur l’autre ou au contraire penser que l’autre va nous apprécier, nous aimer, nous valoriser si nous sommes toujours prêts à dire « oui ».
Dire « non » c’est oser se positionner et c’est d’autant plus nécessaire si nous sommes en mesure d’expliciter notre objection, c’est-à-dire d’argumenter autour de notre « non ».
En particulier, dans le cadre, du processus de décision, il ne s’agit pas de dire « non » à une proposition, une demande sans avoir mis de la conscience sur les raisons de notre « non » et en explicitant, par exemple, que nous formulons un « non » à une partie de la demande.
Nous devons ainsi développer des capacités à argumenter à l’aide de faits, d’exemples, d’illustrations simples et concrètes mais aussi accroitre nos connaissances et notre expertise tout en reconnaissant nos limites et la force de l’expertise des autres. Il est essentiel également d’assumer la prise de risques et les conséquences du « non » y compris les impacts économiques et humains.
Pour oser dire « non », n’est-il pas nécessaire de penser à comment nous allons dire « non » c’est-à-dire à la forme, à la tonalité de l’échange. Dans tous les cas, nous serons conscients que si la demande est sincère, élaborée, argumentée par l’autre ou par un autre groupe, le « non » risque d’être vécu par la personne ou le groupe qui le reçoit comme une frustration, une déception à dépasser voire un nouveau problème à gérer.
Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte les enjeux, les difficultés pour nous qui avons dit « non » si finalement une décision collective est prise qui nous amène à agir alors que nous avions dit « non ». Même si la décision par consentement nous pousse à modifier quelque peu notre opinion, notre positionnement, nous sommes parfois contraints pour avancer de mettre en œuvre une décision avec laquelle nous ne sommes pas d’accord. Il est alors fondamental de savoir quelles sont nos limites dans l’acceptation et la mise en œuvre d’une décision avec laquelle nous ne sommes pas d’accord. Ce processus, nous amène à clarifier nos valeurs non négociables.
Enfin, en gouvernance partagée, il nous semble important d’être conscients de l’impact de « non » sur les autres et sur l’organisation. Se positionner systématiquement dans le refus peut être un signe de régression mais aussi un signe de dysfonctionnement. Tout reste une question d’équilibre pour avancer sur le chemin car même si le chemin est aussi important que le résultat nous devons cheminer ensemble et nous laisser transformer par l’autre différent.
Christine Olivier, psychosociologue
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