Ouverture sur notre boite à outils interculturels : les chocs culturels
Ecoutons Margalit Cohen Emerique : « Au début, nous utilisions une démarche pédagogique classique sur les spécificités culturelles de certaines catégories de migrants et leur processus d’adaptation à la société française. Nous nous sommes rendu compte que cette approche était insuffisante voire dangereuse, si on ne faisait pas émerger d’abord les représentations et les préjugés des professionnels à leur égard. Ces représentations (et en particulier les préjugés) peuvent amener les praticiens à «construire» l’autre et non à le découvrir. Il fallait donc définir l’interaction interculturelle comme une rencontre dynamique de deux identités porteuses de cultures différentes, se donnant mutuellement un sens dans un rapport social à définir à chaque fois, en fonction des situations et des acteurs en présence ; la dimension dominant - dominé n’étant pas absente dans la relation d’aide.»[1] Lorsque les professionnels sont confrontés à des obstacles dans la relation, leur réaction est souvent de rechercher des explications du côté de l’autre et de sa culture. Or, la culture est en permanente évolution, d’autant plus dans la migration où les individus prennent des distances avec certains usages et en intègrent d’autres. La culture n’est qu’un élément d’explication parmi d’autres. Elle vient parfois occulter les explications socio-économiques par exemple. La recherche d’explications du côté de l’autre et de sa culture sous-entendrait que les difficultés rencontrées dans la relation sont uniquement le fait de l’autre et de sa culture. Or, la rencontre interculturelle implique plusieurs parties, elle suppose donc d’analyser ce qui se passe dans la relation. Ce constat amène Margalit Cohen-Emerique à développer une méthodologie qui se base sur l’analyse de chocs culturels, des situations très concrètes appelées aussi «incidents critiques». Cette analyse ouvre un espace qui permet de mieux comprendre comment nos propres valeurs et attentes culturelles façonnent nos interactions. Une grille de questionnement permet de dérouler une situation concrète d’incompréhension mutuelle, pour s’interroger sur les cadres de référence mis en jeu de part et d’autre, les émotions et les ressentis des différents protagonistes, pour ensuite essayer de trouver une solution de manière à respecter autant que possible les identités des deux parties. Cette approche se déroule en trois étapes : la décentration, la découverte du cadre de référence de l’autre, la négociation. Il s’agit d’une démarche exigeante qui permet le développement de différentes compétences chez les professionnel.le.s : la capacité à prendre du recul par rapport à une situation potentiellement délicate et stressante ; la curiosité vis-à-vis de l’autre et la capacité à repérer ses zones sensibles ; enfin l’écoute active et la connaissance de ses propres émotions pour tenter de maintenir la relation.[2]
Cette démarche vous intéresse, pour en savoir plus :
Laetitia Ricci – Psychosociologue, coach et formatrice
[1] Le choc culturel : révélateur des difficultés des travailleurs sociaux intervenant en milieu de migrants et réfugiés – Margalit Cohen - Emerique – Les Politiques Sociales 2016
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